Vulgarisation : Médicaments, revenons sur les fondamentaux

Vulgarisation : Médicaments, revenons sur les fondamentaux

5 février 2016 - 10 h 46 min
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Camus a dit : «?Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde?». Les médias ont en donnée de nouveau la preuve. Un «?expert?» à qui l’on demande ce qu’est la phase I d’un médicament répond avec autorité qu’il s’agit de déterminer les effets indésirables du médicament. Sur qui, pourquoi, comment, qu’est-ce qu’un effet indésirable… bien malin est celui qui pourra s’instruire de cette intervention. Il est évident que le monde et complexe, il est tout aussi sûr que le simplisme le rend plus obscur.

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Définir un médicament

Un médicament est une drogue c’est-à-dire une substance active. Son action dépend de la dose qui est administrée (ce qui est avalé, injecté ou mis en contact avec la peau ou d’autres tissus). Une drogue à dose dite thérapeutique est un médicament. À dose plus importante, elle devient un poison.

Un médicament se définit en autre par la quantité de principe actif (la drogue), le moyen de son administration (comprimé, injection, pommade, crème…) et par sa pharmacocinétique et pharmacodynamie. La pharmacocinétique étudie l’évolution des quantités du médicament et de ses métabolites (substances après transformation du médicament par le foie). La pharmacodynamie est la connaissance de l’action du médicament et de ses métabolites.

O-CVAO-40x40Créer un médicament

Un médicament est avant tout un moyen pour agir le plus efficacement possible sur un processus ou mécanisme cellulaire, bactérien ou viral pour le favoriser, l’empêcher ou le moduler. Aujourd’hui, il est possible de créer l’élément sur lequel on veut faire agir le médicament puis de tester sur lui un grand nombre de candidats médicament, puis d’en améliorer l’efficacité. À ce stade, il existe parfois des centaines de candidats médicaments. Il faudra pourtant en choisir une petite dizaine qui passeront du stade du concept à celui de l’étude dite préclinique chez l’animal.

Étude préclinique : le test sur le vivant

À ce stade, les candidats médicaments vont passer des tests permettant de définir leur toxicité potentielle chez l’animal, leur pharmacocinétique et de vérifier que l’efficacité probable de «?l’éprouvette et de la palliasse?» se transforme en efficacité réelle chez l’animal et potentiel chez l’homme. À ce stade, un tout petit nombre de candidats médicaments sont élus pour passer aux études cliniques c’est-à-dire celles qui seront pratiquées sur l’homme.

Étude clinique, de phase I

La phase I d’un médicament se pratique sur des volontaires sains. Elle permet : – de déterminer le profil de risque (toxicité…) et de définir la pharmacocinétique du candidat médicament.

Les tests se font sur un nombre restreint de volontaires sains (entre 20 et 80) selon un protocole rigoureux accepté conjointement par le comité de protection des personnes (CPP) et l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé).

L’étape de la phase I ne détermine pas l’efficacité du candidat médicament. Elle peut permettre de colliger certains effets indésirables s’ils surviennent lors de l’essai. Les cas malheureusement survenus lors de l’étude menée par Biotrial sont à ce stade du développement d’un médicament heureusement rarissime.

Études cliniques, de phase II et III

Les phases II et III regroupent les études cliniques chez des malades. Elles sont conditionnées à l’accord de l’ANSM et du CPP. Elles se différentient entre elles par le nombre de personnes incluses et l’objet de l’étude. Le nombre de patients traités est faible (100 à 300) pour la phase II, celle-ci permet de définir la dose thérapeutique et la ou les premières indications du médicament. Cette étude se pratique en double aveugle contre placebo (ou médicament de référence lorsque l’essai risque d’entraîner une perte de chance), tous les malades ne reçoivent pas le candidat médicament et cela sans que l’équipe des investigateurs de l’essai le sache.

La phase III a pour but d’évaluer sur des centaines et plusieurs milliers de malades en fonction des pathologies l’efficacité comparée avec un médicament dit de référence du médicament dans une indication. Elle permet d’établir dans le même temps son rapport bénéfices (pourcentage d’amélioration des symptômes et/ou de la pathologies) — risques (gravité et pourcentage de survenu d’effets indésirables). Si le médicament a plusieurs indications, il bénéficiera si nécessaire d’une étude ad hoc pour chacune d’elle.

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Indications, effet thérapeutique, indésirable ou secondaire

Les indications d’un médicament sont celles qui sont définies lors des études cliniques. En dehors de celles-ci, si le médicament est tout de même prescrit, il l’est hors AMM. Le cadre des responsabilités de chacun des acteurs évolue alors et le remboursement du médicament par la sécurité sociale n’est plus obligatoirement assuré sauf si la prescription s’appuie sur des études publiées par des éditeurs reconnus.

Les effets thérapeutiques sont ceux qui assurent l’efficacité du médicament sur la maladie ou sur les symptômes de cette maladie.

Les effets indésirables sont les manifestations qui vont du simple inconfort à la survenue d’évènements graves pouvant entraîner des séquelles voire la mort du patient. Tout incident de ce type doit être déclaré à l’ANSM par tout acteur de soin en ayant eu connaissance. Aujourd’hui, tout patient peut avec l’aide d’un acteur de soin établir une déclaration d’effet indésirable auprès de l’ANSM.

Alors qu’un effet indésirable est toujours négatif et peut être connu ou inconnu. Un effet secondaire est un effet connu positif ou négatif du médicament.

O-CVAO-40x40Le médicament dans la vraie vie

Après évaluation du médicament par la HAS (Haute autorité de santé) et l’ANSM le médicament obtient son autorisation de mise sur le marché (AMM), puis sur l’établissement de son profil d’efficacité (service médical rendu : SMR) et d’innovation (Amélioration du service rendu : ASMR) son prix.

Dès sa commercialisation la tolérance du médicament est suivie par une étude selon un plan de gestion du risque (PGR).

L’étude des effets indésirables d’un médicament est sa pharmacovigilance. Elle s’établit sur le PGR et les déclarations faîtes par les acteurs de soins et les patients tout le long de sa commercialisation en tant que princeps ou générique.

La survenue d’effets indésirables non connus est relativement fréquente, car malgré un nombre important de malades lors des études cliniques, des effets indésirables rares, mais potentiellement graves n’ont pu être détectés ou ont été sous-évalués.

Les études post AMM en condition réelle de prescription et de prise sont nécessaires pour définir le rapport bénéfices — risques définitif du médicament. Elles corrigent les effets relativement artificiels des études cliniques, ne serait-ce que sur l’observance par exemple.

Le médicament détourné

Le médicament devient poison lorsque les doses administrées sont trop fortes, mais aussi lorsqu’il favorise la dépendance. Sa prise et l’augmentation des doses deviennent alors une obligation pour le patient qui en souffre.

La dépendance aux benzodiazépines et aux hypnotiques est par exemple un fait connu et avéré. Les personnes qui la subissent en sont d’autant plus victimes, qu’elles ont cru se soigner. Le médicament avait toutes les caractéristiques du « bien » thérapeutique. Il était remboursé et avait été prescrit par un médecin.

La dépendance aux benzodiazépines est d’autant plus difficile à combattre. Qu’elle est acceptable socialement, que les patients souffrent réellement de leur anxiété ou de trouble du sommeil et qu’ils sont souvent persuadés qu’il n’y a pas d’autres solutions à leur problème.

Aujourd’hui, la prescription et la délivrance des benzodiazépines et des hypnotiques sont encadrées. Leurs limites thérapeutiques sont connues. Médecins et pharmaciens sont dans l’obligation surtout en début de traitement d’informer leurs patients du risque de dépendance qu’entraîne une prise prolongée de ces traitements.

Les benzodiazépines sont des médicaments utiles, car ils agissent rapidement et efficacement sur les troubles de l’anxiété, mais ils ne font que soulager sans traiter la pathologie. À quoi sert, de donner des antalgiques si l’on ne réduit pas une fracture, surtout si le patient augmente la fréquence des prises jusqu’à ne plus pouvoir s’en passer.

Envisager

Le médicament est un Janus à la fois bénéfique et maléfique. Tout est dans l’usage que l’on en fait.

 

 

 

 

 

 

Sources :

http://www.inserm.fr/thematiques/sante-publique/dossiers-d-information/medicament-de-l-eprouvette-a-la-pharmacie

http://www.leem.org/article/l-innovation-therapeutique-un-processus-long-couteux-0

Essais cliniques — Pourquoi ils sont incontournables - dossier du magazine Science & Santé n° 16 (septembre/octobre 2013)

http://ansm.sante.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/Etat-des-lieux-en-2013-de-la-consommation-des-benzodiazepines-en-France-Point-d-Information

 

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