La métagénomique
Au milieu des années 2000 s’est opérée une nouvelle révolution : la métagénomique quantitative (dite « shotgun »), principalement mise au point par S. Dusko Ehrlich à l’INRA de Jouy-en-Josas, qui a conduit à toute une série de grandes publications en 2010-2011 exposant les méthodes et les résultats du programme européen MetaHIT (metagenomics of the human intestinal tract). Cette méthode consiste à séquencer non plus seulement une petite fraction (ribosomale) du génome des micro-organismes d’un échantillon, mais tout l’ADN contenu : inutile de dire que cela représente une gigantesque quantité d’information génétique, qui plus est totalement mélangée ! Le travail bio-informatique nécessaire pour trier et analyser les millions de « reads » (petits morceaux d’ADN) issus de ce séquençage massif est considérable.
La métagénomique quantitative permet de reconstituer tous les gènes (bactériens et autres) contenus dans un échantillon. A partir de ces gènes, au nombre de 500 000 en moyenne pour les bactéries d’un intestin humain, il est aujourd’hui possible de connaître en détail l’identité et les fonctions de tous les micro-organismes présents. C’est une technique qui requiert de très gros moyens matériels et informatiques ; quasiment hors de portée il y a dix ans, elle est désormais pratiquée couramment par quelques laboratoires les plus avancés - et par une société française de biotechnologie : Enterome Bioscience.
On dispose à présent de l’analyse métagénomique des échantillons fécaux de dizaines de milliers de personnes, saines ou le plus souvent atteintes de pathologies diverses, ce qui a mis au jour un grand nombre de connaissances nouvelles. Le microbiote fécal d’un individu se révèle constitué de 100 à 200 espèces principales, parmi plusieurs centaines qui habitent les intestins humains. Chacun d’entre nous possède une combinaison symbiotique qui lui est propre, dont on peut dire qu’il partage la moitié des composants avec la moitié de ses congénères. Près de 90% de nos commensaux appartiennent à deux phylums, Firmicutes et Bacteroïdetes, les autres se répartissant entre Actinobacteria, Verrucomicrobia, proteobacteries, archées et quelques autres. L’ensemble peut être décrit par son métagénome : 500 000 gènes différents en moyenne, avec des extrêmes allant de moins de 250 000 à plus de 750 000 selon les personnes, si leur microbiote est plus ou moins diversifié. Certains de ces gènes, qu’ils soient exprimés par une espèce bactérienne ou par une autre, sont indispensables à la symbiose entre le microbiote et son hôte ; d’autres participent de manière évidente à la bonne santé de ce dernier.
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La bactériologie moléculaire 16S et le séquençage massif du métagénome donnent aujourd’hui accès à des informations qui évoquent les immenses progrès de l’imagerie médicale. Ces outils explorent en effet un nouvel organe qui était auparavant ignoré totalement ou presque. L’analyse d’un tout petit échantillon de selles, si aisé à recueillir, donne accès non seulement à la composition détaillée de tout le microbiote intestinal, mais en fait à une incroyable quantité de données concernant l’état de santé. Bien entendu, ces techniques sont également utilisées pour explorer les microbiotes de toutes sortes, où qu’ils siègent, tant chez l’homme que les animaux, et dans tous les biotopes imaginables. Elles ont littéralement d’ores et déjà révolutionné la compréhension du monde microbien qui nous entoure et promettent sans aucun doute des avalanches de progrès très concrets.