L’homme Microbien par le Docteur Pierre Rimbaud

Pourquoi un tel engouement pour « le microbiote » ? Il ne se passe pas un jour sans qu’on en parle. Et il se pourrait bien que ce soit les microbes qui gouvernent toute la biologie terrestre. Il faut dire qu’ils étaient là des milliards d’années avant tout le monde, et qu’ils sont infiniment plus nombreux que n’importe quelle autre forme de vie : il y a plus d’individus microbiens dans quelques millilitres de contenu intestinal que d’humains sur toute la planète ! Si Dieu a bien créé la vie à son image, on comprend mieux qu’il ne soit pas aisé à percevoir.

Pourtant on commence juste à prendre vraiment conscience de notre immersion dans un univers microbien. Ce qui a révolutionné notre vision du monde vivant, c’est la biologie moléculaire et plus particulièrement la capacité de séquencer les génomes massivement. La biologie moléculaire nous montre que les bactéries produisent des myriades de composés qui interagissent avec la physiologie des organismes multicellulaires, au point qu’on peut se demander si ce ne sont pas elles qui ont favorisé l’apparition progressive des plantes et des animaux afin de les habiter pour les manipuler à leur usage. Quant au séquençage massif, il permet désormais d’étudier en détail les communautés microbiennes dans leur ensemble, en analysant tout l’ADN qu’elles contiennent – c’est ce qu’on appelle la métagénomique ; et cette dernière nous révèle la présence de quantités de microbes dans les moindres recoins, même ceux qu’on avait la faiblesse de penser stériles.

Qu’est-ce qu’un microbiote ?

Tout professionnel de santé se doit aujourd’hui d’acquérir les rudiments indispensables de ce nouveau paradigme, et notamment d’en posséder les concepts et la terminologie.

La toute première question est de savoir ce que signifie le terme microbiote : il s’agit de la communauté des micro-organismes qui colonisent habituellement un biotope donné (c'est-à-dire une niche écologique particulière). Par micro-organismes on doit entendre bactéries, virus, levures et protistes divers. Remarquons à ce propos qu’il y a dans un microbiote beaucoup plus de virus, et notamment de bactériophages (virus de bactéries) que de toute autre chose. Notons aussi qu’il y a autant de microbiotes que de biotopes : on parlera du microbiote associé aux racines du sorgho en Afrique sahélienne, d’un autre typique des égouts de Poitiers, voire de celui qu’on trouve dans les cumulonimbus au sommet du Puy-de-Dôme.

Bien entendu, tout être vivant est colonisé par des myriades de microbes (les bactéries que je porte sont au moins aussi nombreuses que mes propres cellules : quelques dizaines de milliers de milliards) et ces microbes lui sont très spécifiques, c'est-à-dire que chaque espèce se distingue des autres par les communautés microbiennes qu’elle abrite. Si vous croyez qu’une vache est capable de s’alimenter avec de la paille, détrompez-vous : ce sont les bactéries qu’elle héberge qui ont le pouvoir d’en extraire des nutriments ; quant au termite, ce n’est pas lui qui assimile le bois : ce sont les bactéries spécialisées qui habitent son tube digestif.

On ne peut pas parler du microbiote d’un individu sans spécifier quelle partie du corps. Nous avons par exemple un microbiote intestinal, un microbiote buccal, un microbiote cutané, voire un microbiote vaginal.  Même dans l’intestin la composition du microbiote diffère selon l’endroit : l’estomac n’est pas le caecum ; dans l’iléon même, les cryptes ne sont pas la lumière. Sur la peau, on différencie nettement le pli du coude et la plante des pieds. Nous sommes donc porteurs de très nombreux microbiotes locaux, qu’on peut désormais caractériser précisément grâce à la métagénomique.