Le décret numéro 2021-685 relatif au pharmacien correspondant est paru le 28 mai 2021. Il a fallu plus de 12 ans pour que le statut de pharmacien correspondant prenne sa forme actuelle. En effet, son origine légale est l’alinéa 7 de l’article L5125-1-1A du code de santé publique de la loi HPST. La comparaison entre le texte original et sa dernière version permet de mieux comprendre ses évolutions et l’importance des modifications.
Le cadre de l’application
« Peuvent être désignés comme correspondants par le patient dans le cadre d’un exercice coordonné (équipe de soins primaires, CPTS, centre de santé et maison de santé) »
« En application du 7° de l’article L. 5125-1-1 A, le patient peut désigner auprès de
l’assurance maladie, comme pharmacien correspondant, un pharmacien titulaire d’officine, ou gérant d’une pharmacie mutualiste ou de secours minière, participant au même exercice coordonné au sein des dispositifs mentionnés aux articles L. 1411-11, L. 1434-12, L. 6323-1-10 et L. 6323-3 que le médecin traitant du patient, avec l’accord du pharmacien. Le pharmacien ainsi désigné en informe le médecin traitant du patient. Il peut être suppléé dans cette fonction, après accord du patient, par un pharmacien exerçant dans la même officine. »
Depuis l’origine l’article inscrit la possibilité d’avoir une pratique de pharmacien correspondant selon deux critères impératifs : - l’exercice coordonné ; - la demande du patient.
L’exercice coordonné
La dernière version limite l’application de la pratique aux seuls pharmaciens appartenant à une même CPTS ou maison ou pôle de santé que le médecin traitant du patient. Il est dès lors important de rappeler que tout médecin spécialiste ou non peut être désigné par le patient comme son médecin traitant. Cette désignation se fait auprès de sa caisse d’Assurance maladie. Il devra en être de même pour le pharmacien correspondant.
À la demande du patient
Bien qu’entièrement légitime et nécessaire, cette obligation nécessite une communication vers les patients. Autant « l’obligation relative » d’avoir un médecin traitant est rentrée dans les mœurs et cela non sans difficulté. Celle de la désignation d’un pharmacien correspondant ne revêtira tout du moins dans un premier temps le même « engouement », plus particulièrement si elle n’est pas relayée par les caisses. Il faudra certainement s’attacher à démontrer au patient l’intérêt personnel qu’il pourra tirer de cette nouvelle proposition officinale.
De nouvelles possibilités d’exercice
« A ce titre, ils peuvent, à la demande du médecin ou avec son accord, renouveler périodiquement des traitements chroniques et ajuster, au besoin, leur posologie ; »
« Le pharmacien correspondant peut renouveler périodiquement des traitements chroniques et ajuster, si besoin, leur posologie dans les conditions suivantes.
Le projet de santé du dispositif auquel participent le pharmacien correspondant et le médecin traitant définit les modalités d’information du médecin, notamment en cas d’ajustement de la posologie.
La prescription médicale comporte une mention autorisant le renouvellement par le pharmacien correspondant de tout ou partie des traitements prescrits ainsi que, le cas échéant, une mention autorisant l’ajustement de posologie de tout ou partie des traitements.
« L’officine ou la pharmacie mutualiste ou de secours minière dispose de locaux avec une isolation phonique et visuelle permettant un accueil individualisé des patients. La même condition s’applique lorsque le pharmacien intervient auprès d’un résident en établissement médico-social.
III. – La durée totale de la prescription et de l’ensemble des renouvellements réalisés par le pharmacien correspondant ne peut excéder douze mois. »
Possibilité de renouvellement
Ce renouvellement se pratique uniquement dans le cadre d’un « projet de santé » c’est-à-dire dans le cadre d’un exercice coordonné nécessaire à une bonne transmission des informations entre la pharmacien et le médecin selon un protocole précédemment établi. Le décret souligne l’importance d’assurer la confidentialité de l’entretien permettant ce renouvellement : « (la pharmacie) dispose de locaux avec une isolation phonique et visuelle permettant un accueil individualisé des patients ». Le décret formalise la tenue d’une « consultation » de renouvellement.
Le cadre du renouvellement est entièrement défini par le médecin puisqu’il est subordonné à : « une mention autorisant le renouvellement par le pharmacien correspondant » du médecin définissant les traitements potentiellement renouvelables.
La durée de renouvellement d’une ordonnance ne peut dépasser 12 mois : « La durée totale de la prescription et de l’ensemble des renouvellements réalisés par le pharmacien correspondant ne peut excéder douze mois. »
L’ajustement des posologies
Le pharmacien correspondant peut donc avec l’accord du patient et dans le cadre prédéfini avec le médecin traitant pratiquer : « l’ajustement de posologie ». On pense bien évidemment aux ajustements nécessaires au maintien dans des valeurs cibles comme pour les AVK ou à la gestion des fluctuations de la glycémie. Faut-il aussi comprendre ceux en relation avec l’aggravation d’une insuffisance rénale ou hépatique ou encore à une titration d’antalgiques morphiniques ?
La question sous-jacente à cet ajustement est l’accès du pharmacien aux résultats biologiques nécessaires.
Enfin : « Le ministre en charge de la santé peut fixer par arrêté, pour des motifs de santé publique, une liste des traitements non éligibles au dispositif prévu au 7o de l’article L. 5125-1-1 A »
Une avancée ou une révolution ?
Il est évident que le pharmacien désigné comme correspondant est en liberté surveillée. Le cadre de cette nouvelle pratique instaure des rigidités et sera certainement difficile à expliquer à des patients souvent peu demandeurs d’une telle évolution des pratiques. Le décret répond pourtant à la problématique de l’accès aux soins et oblige les médecins et pharmaciens à améliorer les actions d’interprofessionnalité. La « protocolisation » des actes et de la communication sont aussi des conséquences de ce pas vers une émancipation de la pratique officinale que certains considéreront comme trop timide.
Il est étonnant que nos syndicats réfutent le terme de correspondant lui préférant celui d’accompagnant. Si l’on s’en tient à la définition de l’Académie française de correspondant : « Personne avec qui on est en relation épistolaire ou, par ext., téléphonique. - Celui avec qui une personne, une société est en relation d'affaires et qui est chargé de la représenter. - Personne en relation avec une société savante et qui lui est attachée par ce titre. ». Le statut de correspondant souligne, pour celui qui le pratique, l’importance de la communication. L’Académie définit accompagnant comme : « celui qui accompagne » c’est-à-dire : « Servir de protecteur ou de guide à une personne ». La comparaison des définitions fait apparaître deux lectures différentes voire antinomiques du texte du décret. La notion d’accompagnant s’apparente à une lecture prospective encore éloignée du caractère plus factuel du texte.