Où en est, selon vous le système économique de la pharmacie en France??
Lucien Bennatan : Je suis ravi que vous preniez le problème sous un angle économique. Car, je crois qu’il est nécessaire d’avoir une pensée entrepreneuriale et de réfléchir à ce qu’est la pharmacie dans le monde économique d'aujourd’hui.
C’est-à-dire??
LB : La pharmacie est avant tout une PME qui souffre des mêmes maux que toutes les PME. Face à nos PME qui subissent la crise et qui aujourd’hui n’embauchent plus, il y a l’état qui cherche par tous les moyens à favoriser l’emploi. L’équation est simple. Il s’agit d’un donnant donnant emploi contre moyen de développer une pharmacie moderne en phase avec une économie de marché qui évolue très rapidement.
Alors se battre contre l’ouverture des monopoles vous paraît secondaire?!
LB : Ne confondons pas objectifs et moyens, stratégie et tactique. Nos revendications sectorielles doivent être les moyens d’aboutir à un résultat. L’axe doit être le plus clair possible. Il ne faut pas emboliser les décideurs avec des problématiques techniques, mais leur proposer des contrats gagnant – gagnant, pour que chacun sache ce qu’il doit mettre en route pour que la situation s’améliore. Par ailleurs, avec la politique de développement des dispositifs médicaux en lieu et place de médicaments OTC, l’industrie fait tomber notre monopole sur ce segment.
La pharmacie serait elle alors un commerce comme les autres??
LB : Non car heureusement notre code déontologique limite notre activité commerciale, mais il faut faire des propositions économiques qui soient en relation avec les attentes de nos décideurs. L’objet économique est de créer de l’emploi à nous d’en déterminer les moyens, à eux d’en faciliter la mise en œuvre.
À ceux qui attendent de l’argent des pouvoirs publics, il est temps de dire que cela n’est plus de saison. À ceux qui attendent que des facilités leur soient accordées sans contre partie sont définitivement dans l’erreur. Le temps est à la proposition de moyens pour créer de la croissance afin de devenir un acteur économique dynamique.
La pharmacie est une PME qui s’inscrit dans un tissu économique de proximité et cela est un énorme atout. La pharmacie est un commerce qui met à la disposition de la population, un « Acteur de Santé » et cela est une richesse, dont le système ne peut se priver.
Proximité, maillage certes, mais encore?!
LB : La pharmacie a une spécificité qui se perd. Elle est souvent le dernier commerce d’écoute et d’informations personnalisées. Les pharmacies françaises font du lien social. Économiquement cela ne rentre pas dans les bas de bilan et l’on ne s’aperçoit de son importance que lorsqu’il disparaît. Ce qu’un ministre ne peut pas entendre, un maire en a conscience. Autant, il est important d’obtenir de Bercy des moyens de libérer les énergies ; autant, il est essentiel de maintenir la raison sociale de nos entreprises, la proximité, le service et l’humanité. Par contre, nous ne pourrons pas mettre en place une vraie politique de services si les freins ne sont pas levés. Innover c’est, demain pouvoir démontrer l’efficacité d’une pratique professionnelle réformée répondant à des critères d’efficience économiques et sanitaires.
Cela me semble un peu paradoxal
LB : Pourquoi?? II faut bien différencier ce que nécessite la modernisation et l’adaptation d’un système à son environnement, à ce qui fait la qualité d’une relation entre deux personnes dont une a la vocation de favoriser la santé. Simplement, il est nécessaire de trouver les moyens pour que cette richesse relationnelle ait la possibilité de s’exprimer.